Et si manger le soir influençait plus le poids?

Vous avez probablement déjà entendu la phrase « manger le soir fait engraisser ». Bien que cet adage ne soit pas supporté par des données probantes, de nouvelles recherches s’intéressent à l’impact du rythme circadien sur la prise de poids.

 

Un nouveau domaine de recherche appelé la chrononutrition s’intéresse au rythme circadien et à son impact sur la prise de poids. Selon les chercheurs de ce domaine, le moment où l’on mange les aliments aurait un impact sur la façon dont notre corps réagit aux aliments consommés.

 

Qu’est-ce que le rythme circadien?

 

 

La Terre fait un tour sur elle-même en 24 heures. Les organismes vivants qui ont évolué sur la Terre se sont donc nécessairement adaptés à cette réalité afin de pouvoir utiliser les sources d’énergie, notamment la lumière, de façon optimale. Par exemple, à cause d’une cascade de réactions métaboliques, les plantes font de la photosynthèse pendant le jour et s’arrêtent la nuit. Le rythme circadien réfère à cette période de 24 heures.

 

Les mammifères, dont les humains, ont également plusieurs réactions métaboliques qui suivent un rythme circadien. « L’horloge » interne principale qui initie ces réactions selon le moment de la journée est située dans le cerveau. Plus précisément, elle se trouve dans une section nommée le Noyau Suprachiasmatique (NSC).

 

Les cellules de la rétine informent le NSC du moment de la journée selon la luminosité qu’elles perçoivent. De cette façon, le NSC peut réguler plusieurs réactions puisqu’on n’a pas les mêmes besoins physiologiques pendant le jour ou la nuit. On croit que près de 10% des gènes suivent un rythme circadien et pourraient être activés ou désactivés par l’horloge interne principale.

 

La nourriture influence notre horloge

 

En plus de la lumière du soleil, d’autres facteurs pourraient affecter le rythme circadien de plusieurs réactions métaboliques. La nourriture serait aussi efficace que la lumière pour synchroniser les réactions.

 

Des études effectuées chez le rat et la souris (animaux nocturnes) montrent que ces derniers, lorsqu’ils sont nourris seulement pendant le jour, alors qu’ils devraient dormir, se synchronisent aux repas plutôt qu’au cycle nuit/jour. Ceci veut donc dire que plusieurs réactions métaboliques qui suivent le rythme circadien, dont la digestion et l’absorption des nutriments, peuvent se synchroniser aux repas plutôt qu’à la lumière du soleil, même si le NSC continue d’envoyer de l’information.

 

De même, le tissu adipeux sécrète plusieurs hormones dans le corps pour parler aux autres organes et les informer de l’état de ses réserves. Il peut ainsi contrôler les mécanismes de stockage et d’utilisation des réserves de gras. Entre 7% et 21% des gènes du tissu adipeux suivraient un rythme circadien.

 

La leptine et la ghréline sont deux hormones. La première est sécrétée par le tissu adipeux et la seconde par certains organes du tube digestif. Ces deux hormones suivent un rythme circadien. La leptine est l’hormone « coupe-faim » alors que la ghréline stimule l’appétit. La nuit, les niveaux de leptine sont élevés dans le sang et ils s’abaissent pendant le jour. Ceci diminue donc l’appétit pendant la nuit. C’est le contraire pour la ghréline. Cependant, les niveaux de ces hormones sont également affectés par la prise alimentaire. Lorsqu’on mange la nuit, la ghréline pourrait augmenter et la leptine diminuer, amenant plusieurs réactions métaboliques qui  ne se produisent habituellement pas la nuit (puisque nous sommes censés dormir).

 

En résumé, plusieurs réactions métaboliques sont influencées par l’heure du jour grâce à notre horloge interne, mais la prise alimentaire a également une influence sur beaucoup de ces réactions. Et alors?

 

Le cas des travailleurs de nuit

 

On parle de « chrono-perturbation » (traduction libre) lorsque les cycles circadiens internes ne correspondent plus au cycle circadien de l’environnement (nuit/jour). Ce phénomène se définit par une perte de la rythmicité, une diminution de l’amplitude dans le cycle (entre le point le plus haut et le plus bas), ou par un rythme devancé ou retardé entre les organes et le NSC.

 

Ce phénomène est observé chez les travailleurs de nuit, qui ne suivent plus le cycle du soleil pour être actifs et manger. Chez cette population, l’embonpoint, l’obésité et le syndrome métabolique sont beaucoup plus fréquents. Certains chercheurs avancent comme hypothèse que c’est à cause de cette « chrono-perturbation » chronique que les travailleurs de nuit souffrent davantage de ces problèmes.

 

Dans une étude, neuf hommes obèses devaient manger la même collation, à 9h00, 17h00 ou 1h00 du matin. Lors de la digestion des aliments, notre corps produit de la chaleur. La chaleur libérée était mesurée à deux reprises chez les participants : une heure et six heures après le repas. Ceux qui ont mangé le matin ont dégagé plus de chaleur que ceux ayant mangé en après-midi ou pendant la nuit. Ceci permet donc d’émettre l’hypothèse que l’on ne répond pas de la même façon à un repas selon le moment où il est mangé.

 

Il a été observé chez les rats que la suppression de certains gènes directement liés au rythme circadien du SNC provoquait non seulement une perte du rythme circadien, mais également des anomalies métaboliques semblables au syndrome métabolique. La « chrono-perturbation » du rythme circadien pourrait donc être liée aux risques élevés de développer le syndrome métabolique chez les travailleurs de nuit. Ceci ne reste bien sûr qu’une hypothèse!

 

Une étude clinique effectuée chez 420 personnes obèses a évalué l’effet du moment du repas sur la perte de poids dans le cadre d’une intervention de 20 semaines. Les patients participaient à un programme qui incluait notamment des cours de groupe et de l’accompagnement nutritionnel. Ces derniers étaient ensuite séparés en deux catégories : ceux qui consomment habituellement leurs repas tôt et ceux qui le consomment tardivement (après 9h00 pour le déjeuner, après 15h00 pour le dîner et après 21h30 pour le souper). Ceux qui consommaient leurs repas tôt ont significativement perdu plus de poids que ceux qui le consommaient tard. La différence est apparue dès la 5e semaine de l’intervention. Pourtant, les apports alimentaires et l’activité physique étaient similaires entre les deux groupes.

 

Dois-je arrêter de manger le soir?

 

Ces résultats sont certainement intéressants. Toutefois, le domaine de la chrononutrition est encore très peu développé. La plupart des études sont effectuées chez les animaux et concernent principalement des réactions métaboliques. Les résultats présentés jusqu’à maintenant permettent d’émettre des hypothèses, sans plus. Il y a toutefois un intérêt certain à poursuivre la recherche dans ce domaine, notamment pour la santé des individus dont le rythme circadien serait perturbé.

 

Il ne faut pas non plus oublier que la quantité totale de calories ingérées dans une journée a un impact sur le poids. Ainsi, si les collations prises après le souper font que la quantité de calories ingérées est supérieure à celle dépensées, une prise de poids peut survenir à long terme.

 

 

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